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Silences

02 janvier 2020

Presque deux mois de silence de ma part sur ce blogue. Retour en Belgique, retour à une vie à cent à l’heure après ce moment de suspension, ce moment hors du temps vécu pendant le Festival Interculturel du conte de Montréal.

Désir de continuer ce partage de pensées, d’idées, d’images et de ressentis avec vous malgré tout, mais nécessité de trouver le temps de me replonger au cœur du festival – a posteriori – grâce à mes notes, à ma mémoire, au conte en Belgique aussi.

Intéressant tout de même cette pause imposée, ce recul forcé par le temps qui coule. Engendrement d’une vision différente, d’une perspective autre, d’un point de vue qui a évolué face et à propos des spectacles, rencontres et découvertes durant le festival.

Le silence après le flux de parole. Les silences après le flux de paroles.

Silence nécessaire, silence révélateur de sens caché parfois. Comme la nuit révèle la clarté du jour, comme la laideur permet à la beauté d’exister, le silence donne vie à la parole. Comme les deux faces inséparables d’une même médaille, ces deux opposés complémentaires incarnent l’oxymore inhérent à la parole contée ; ils sont le clair obscur essentiel au monde.

Ces silences appartiennent au conte et l’habitent, l’habillent tout autant que la parole qui le définit. Trouver la pause juste, qui laissera au spectateur le temps d’ingérer, de digérer les mots ; qui permettra au conte de s’insinuer subtilement, de pénétrer lentement l’oreille attentive. Quelques secondes de suspension, à l’image du pianiste, mains au dessus du piano, conscient de l’importance de ce silence, car si elle n’est plus physiquement présente dans l’air, la note vibre toujours dans le cœur de son auditoire.

Le silence évoque aussi les non-dits. Temps de non-dits qui signifient parfois tellement plus qu’un flot de paroles incessant. Entre les mots se cachent souvent bien des choses, et le silence possède alors une charge significative tellement forte.

Le conte dévoile et lève un voile, entrelacs de mots et de silences, de dit, de crié, de chanté et de tu, de chuchoté, de fredonné. Le conte dévoile, mais pas trop. Juste assez pour suggérer, juste assez pour faire naitre, en nous, une image lointaine aux contours encore flous, aux couleurs mélangées. Puis, petit à petit, au fil de l’histoire écoutée, l’image se rapproche – ou plutôt, nous nous en approchons : nous choisissons telle teinte et tel motif, nous retraçons et détaillons grâce au crayon noir de notre imaginaire les contours des silhouettes devenant personnages. Tout s’anime en nous: magnifique création naissant de l’alliance paradoxale et pourtant évidente entre les mots et le silence.

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