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Aux limites de l’être

23 octobre 2019

Cinq contes en lice, cinq conteurs pour les dire, cinq personnalités québécoises pour les soutenir. Premier combat des contes du monde entier ! Ce projet, mis sur pied par la directrice artistique du festival en collaboration avec différents organismes culturels, a pour objectif de faire élire le conte que toutes les québécoises et que tous les québécois devraient entendre en cette année 2019.

Samedi dernier, le 19 octobre, j’ai assisté à la présentation des cinq contes ainsi qu’au débat – mené et animé par Jean Barbe – lors duquel chaque intervenant a eu l’occasion de défendre l’histoire qu’il parrainait. Étaient présents Micheline Lanctôt pour défendre L’amélanchier, Évelyne Daigle pour Dans l’œil de la baleine, Chrystine Brouillet pour La fille aux mains coupées, Robert Lamontagne pour Phaéton et enfin Ève Christian pour 1734.

Bien qu’extérieurs au domaine du conte et, pour certains, peu familiers avec cet art en particulier, les cinq orateurs – à travers leurs dires – sont parvenus à nous replonger au cœur du pourquoi originel de la tradition orale et à nous ramener aux valeurs universelles que celle-ci aborde. En outre, à travers les différents arguments avancés au fur et à mesure de la discussion, ils ont tous souligné l’importance – en tout temps – de cet art millénaire pour la civilisation humaine. Ainsi, Micheline Lanctôt d’affirmer que les canevas très structurés du conte permettraient une certaine mise en ordre de notre propre vie ; et Robert Lamontagne de nous rappeler à quel point l’Homme, depuis la nuit des temps, a besoin de comprendre et de donner un sens à ce qui l’entoure (notamment le cosmos). Dire et conter : ne serait-ce pas un moyen d’extérioriser, de conscientiser et de nous approprier nos peurs, nos incertitudes, nos peines et nos joies ? « Faire et se taire » se répète sans cesse Ousmane Traoré (1734) emporté dans cette spirale infernale où il n’a plus prise sur rien. Le conte, lui, permettrait de « dire et ne pas faire » (Micheline Lanctôt) et de conserver un certain contrôle sur une vie qui, très souvent, nous échappe. La liberté à travers la parole.

En prêtant attention aux différents arguments mis en avant lors du débat, une caractéristique commune a émergé de ces cinq récits pourtant si différents. Les limites de l’être humain. Quelle thématique plus actuelle ?! En effet, le bien et le mal s’affrontent et se côtoient d’une manière effroyablement poétique dans La fille aux mains coupées ; et ce pardon inconcevable, offert par la sœur au frère lâche, la hisse inévitablement au-dessus du commun des mortels, car quel être humain serait capable de pardonner un acte d’une telle barbarie ? L’amélanchier expose et révèle les pulsions primitives – presque animales – enfouies au plus profond de nous. La vie et la mort se frôlent sans cesse Dans l’œil de la baleine au moment où, harponné, l’animal fleurit et explose sa fleur de sang : ce conte, tout en oxymores, invite à un questionnement de la relation entretenue avec notre terre mère. Et l’homme, et l’esclave, et le bourreau présents en Ousmane Traoré mettent en exergue la cruauté ironique de la vie semblant parfois se jouer de nous. Phaéton, quant à lui, se perd en dépassant la ligne à ne pas franchir.

Ainsi, toutes à leur manière, ces cinq histoires évoquent les limites de l’être humain : des limites que nous frôlons, côtoyons, repoussons, exploitons et, parfois, dépassons. Grâce à sa mécanique interne et propre, le conte nous expose à ce que nous sommes, à la vulnérabilité de notre être tout en nous permettant d’en prendre conscience et, peut-être, à sa façon, de nous aider à mieux l’accepter.

Voyez toute la puissance de ce merveilleux instrument !

 

Êtes-vous du même avis que moi ? Pour le savoir et vous faire votre propre opinion, une seule chose à faire : visionnez les cinq vidéos youtube et étoilez votre ou vos conte(s) préféré(s) !

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