
La conteuse belge Anne Borlée a participé à l’édition Noces de perle du Festival interculturel du conte de Montréal. Sa consœur belge Louise Frognet a recueilli ses propos et nous livre ici un portrait de sa démarche d’artiste du conte.
Anne Borlée à Montréal
Parmi le panel d’artistes internationaux invités lors de la dernière édition du Festival interculturel du conte de Montréal, on retrouve Anne Borlée, conteuse belge établie à Rochefort, en Famenne, région située en bordure des Ardennes belges.
Conteuse depuis une quinzaine d’années, elle a présenté pour les 30 ans du festival plusieurs spectacles et histoires issus de son répertoire : un triptyque de femmes résilientes avec Vents contraires, la légende de la mystérieuse Baba Yaga, son spectacle Brume destiné aux petits comme aux grands, Celles qui veillent relatant le massacre des sorcières au XVIIe siècle ou encore diverses scènes partagées, notamment avec la conteuse québécoise Nadine Walsh et le danseur Antoine Turmine, lors du superbe spectacle éphémère « Os qui chantent, os qui dansent ». Le public montréalais a ainsi eu l’occasion de découvrir de nombreuses facettes de l’art de la parole incarné par Anne.
Démarche artistique
Ces différentes performances illustrent la double démarche de la conteuse qui, d’une part, travaille sans cesse à enrichir son répertoire d’histoires traditionnelles, se contant dans les contextes les plus variés, notamment lors de scènes partagées, et qui, d’autre part, propose des spectacles, comme Baba Yaga, émergeant d’une démarche artistique plus holistique et d’un travail d’équipe plutôt que d’une recherche en solo.
Mises côte à côte, ces deux façons de créer caractérisent pour Anne la manière de vivre ce qu’on appelle le « renouveau du conte ». Elle insiste particulièrement sur la complémentarité de ces deux démarches qui possèdent une même importance artistique ; la conteuse affirme en effet : « Je suis aussi devenue conteuse parce que j’ai raconté à des enfants dans la forêt ou dans des salles polyvalentes. Je trouve que j’apprends autant dans ces contextes comment et en quoi être conteuse que lors de la création de spectacles tels que Baba Yaga. »
L’importance des personnages féminins dans les contes d’Anne Borlée
Anne Borlée raconte des histoires magiques, surnaturelles, oniriques, fantastiques, tout cela et bien plus encore. En parallèle de son travail de recherche et d’exploitation du répertoire de son terroir (qui regrouperait à l’heure actuelle une partie de la Belgique, du Luxembourg et de la France) où des motifs récurrents émergent, témoins de la même influence territoriale et culturelle, la conteuse ose également partir à la recherche de personnages dépassant l’histoire en tant que telle, des personnages féminins principalement.
Une de ses volontés professionnelles s’attache ainsi à dépeindre les forces féminines dans les histoires : leur représentation, leurs couleurs, ce à quoi elles renvoient. Au-delà de la question de l’appropriation culturelle – question sensible, au demeurant, à laquelle la conteuse ne prétend nullement avoir trouvé de réponse –, sa démarche s’inscrit dans le partage, grâce à l’art du conte, de la force universelle de ces entités féminines et dans la conviction de leur pouvoir de parler au plus grand nombre.
Les sensations et l’évocation : au cœur de l’art du conte
Pour Anne Borlée, les sensations se trouvent au cœur de l’art du conte, où l’évocation d’images à travers l’immersion visuelle peut renvoyer, d’une certaine manière, à l’univers cinématographique. La conteuse travaille énormément de manière intuitive : intuition à écouter pour savoir quelle histoire raconter ; intuition par opposition à la raison comme socle de la démarche artistique ; intuition comme synonyme de ressenti, de sensation, d’atmosphère qui donne envie de raconter et d’écouter ; intuition intrinsèque à l’art du conte comme le considère Anne où le ressenti prime sur le compris/la compréhension.
Lorsqu’une nouvelle histoire s’accroche à Anne, cette dernière l’énonce et la rêve, avant tout autre travail, elle se laisse emplir de l’oralité et des images émergeant du récit. Avec le conte, Anne a découvert une autre manière d’évoquer l’existence, un autre langage pour parler de la vie, la pièce manquante du puzzle permettant de dire, de rêver, d’esquisser (sans la prétention de comprendre) ce que nous sommes.
Biographie de Louise Frognet
Passionnée de mots, dits ou écrits, Louise Frognet est professeure de français langue étrangère et d’alphabétisation à Bruxelles, en Belgique. Elle collabore avec le FICM depuis 2017, à distance, à travers la rédaction d’articles, et durant le festival, en tant qu’aide à la logistique et à la coordination.