Jour 7 : Stéphanie Bénéteau, conteuse, directrice du Festival interculturel du conte de Montréal
Après plus de trois mois de confinement, je me demandais si mon métier existait encore, et si je, nous, étions des reliques d’un passé charmant mais désuet. Le 1er juillet, mue par un besoin puissant, je suis partie sur la route rencontrer des membres de ma famille du conte.
Premier arrêt chez Petronella Van Dijk et Christian-Marie Pons, lieu de tant de moments de partage mémorables. Les deux m’ont nourrie corps et âme, Christian pétrissant la pâte et Petronella cueillant les herbes de son jardin pendant que ma parole si longtemps silencieuse se réveillait.
J’ai pris le Chemin du Roy jusqu’à Québec, buvant le fleuve, le vent et les roses sauvages goulument, presque déchaînée étais-je à la vue de tant d’horizon. Après avoir vu la lune pleine se lever sur Québec avec Yolaine et mangé ses fraises de l’Île j’ai continué jusqu’à Cap St-Ignace, où Jocelyn Bérubé a planté depuis vingt ans une forêt entre sa maison et le fleuve. J’ai continué jusqu’à Trois Pistoles sur la route 132, lentement, laissant les derniers trois mois décanter tranquillement. L’eau de mon âme devenait sinon limpide, au moins plus claire. Ma tristesse était lavée par le vent. Arrêt dans le village de Renée et Étienne, qui cultivent un lopin de terre comme dans les contes, où j’ai dormi sous leur pommier, bercée par la brise dans leurs vergers et jardins.
Le dernier soir j’ai campé au bord du fleuve. Le lendemain matin, je mettais mon sac dans le coffre lorsque mon amie voyageuse-conteuse qui faisait un dernier tour du campement a couru vers moi en me tendant quelque chose qu’elle avait trouvé dans l’herbe.
Nous avons éclaté toutes les deux en sanglots.
Elle avait trouvé une pantoufle de Cendrillon.
Une pantoufle de Cendrillon, que vous pouvez voir dans la photo ci-haut car non, ceci n’est pas une menterie.
Peut-être sommes-nous dans cette partie de l’histoire où Cendrillon est encore couchée dans les cendres. Mais elle renaîtra, et nous aussi. Cristalline, éternelle, oh si humble et pourtant noble et altière. Digne. Elle n’est pas morte. Elle m’attendait, au bord du fleuve. Elle m’a donné sa pantoufle. Lorsque le monde sera prêt, elle y mettra à nouveau son pied, se lèvera et prendra sa place à la table des reines.