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Jour 1

Jour 1 : Petronella Van Dijk, conteuse, fondatrice du Festival les jours sont contés en Estrie

Pendant long de temps, j’ai surtout été une auditive, une «oreille». Et puis la vie m’a menée ailleurs. Dans le regard (comme artiste plasticienne) et puis dans ce que Guth desPrez appelle «le grand parler» (la parole artistique).

Ces jours-ci, alors que nous sommes en l’an 2020, des mots vulgaires et inquiétants comme «confinement», «virus», «masque» écorchent mes oreilles, mon corps et mon cœur, je plonge et replonge dans cette parole conteuse qui me fait perdre pied avec bonheur quand, entre autres, elle m’entraîne dans le mystère.

Et je repense avec délectation à toutes les soirées de spectacles, toutes les soirées de ripailles, de rires et de chansons que nous avons vécues depuis presque trente ans avec le festival Les jours sont contés. En compagnie de ces porteurs de parole et de tradition qui nous ont fait voyager dans les temps et dans les espaces, avec lui. Le mystère.

Je crois que c’est surtout depuis que j’ai du temps que j’ai réalisé à quel point ce mystère me fait du bien. Je me suis déjà fait demander comment je pouvais raconter des histoires que je ne comprenais pas complètement. Cela m’a fait réfléchir et je me suis rendue compte que je trouvais de plus en plus difficile de vivre dans un monde où tout doit être expliqué tout le temps, partout, pour tout. Pour tout. Souvent avec des mots vulgaires et inquiétants.

J’ai fini par relier cette aversion avec ma découverte du mystère et surtout de ses bienfaits. Et je me suis apaisée. J’ai fini par accepter que je ne peux ni tout connaître, ni tout dire, ni tout penser et que le mystère est multiple et que la vie est ainsi faite.

J’ai cette chance inouïe d’avoir eu ma vie chamboulée par cette parole conteuse et par l’incessante découverte des trésors qui en ont fait une tradition immémoriale. Quand je peux conter des histoires qui ont été portées par une multitude d’humains avant moi, ça me touche et m’émeut si profondément que je ne peux pas imaginer que cette parole puisse se taire.

Cette parole-là. Pleine des mystères de nos ancêtres conteurs, de ceux et de celles qui ont cru, eux aussi, que ces mystères-là nous fondent, nous forment, nous façonnent. Et nous donnent des forces pour continuer de cheminer dans cette vie… qui est ainsi faite.